Dans les années 60, Stephen Karpman fut le premier à décrire les trois rôles de Victime, Persécuteur et Sauveur. Ces rôles se focalisent sur les problèmes plus que sur les résultats à atteindre et correspondent à des comportements réactifs. Ils composent ce que S. Karpman a appelé le Triangle Dramatique.
Nous allons étudier aujourd’hui le rôle du Sauveur.
Nous pourrions le traduire comme « celui qui soulage ». Il porte son attention sur ceux qui ont besoin d’aide, ou que le Sauveur perçoit comme ayant besoin d’aide. Oubliant qu’il a ses propres besoins, la petite voix du Sauveur lui dit que : « il est préférable que tu apportes ton aide aux autres et que tu résolves leurs problèmes plutôt que de t’occuper de ce qui est important pour toi. »
Nous pourrions considérer leur démarche comme louable, mais le Sauveur vit avec au moins trois illusions qui expliquent son obsession de vouloir venir en aide aux autres en permanence.
Illusion N°1 : Les Sauveurs pensent sincèrement qu’à force d’aider les autres ils finissent par s’aider eux-mêmes.
Les Sauveurs sont heureux de pouvoir venir en aide et d’aider à résoudre les problèmes des autres. Ils aiment les éloges qu’ils reçoivent en retour de leurs actes de gentillesse. Intérieurement, les Sauveurs adorent jouer les héros. Pour eux, c’est la seule façon de donner du sens à leur condition d’être humain. Ils donnent sans limite, sans se soucier de leurs propres besoins. Leur peur principale est qu’ils finissent seuls un jour. Cette peur alimente leur croyance que leur comportement conduit forcément à la considération de ceux pour qui ils dépensent tant d’énergie.
Illusion N°2 : Les Sauveurs pensent que ceux qu’ils prennent en charge finiront bien par devenir autonomes.
Le Sauveur perçoit les autres comme des Victimes incapables de se prendre en main, ce qui justifie leur intervention. Sa façon de procéder peut involontairement conduire au désengagement, à la déresponsabilisation, voire à l’infantilisation de la personne qu’il perçoit comme Victime. Pourquoi la Victime devrait se sentir responsable si le Sauveur est là pour l’aider ? Plus le Sauveur intervient, moins la Victime qu’il prend en charge devient responsable.
De nombreux managers, souvent ceux qui prennent cette fonction pour la première fois, tombent dans l’écueil du rôle du héros envers leur équipe. Ils finissent par générer de la dépendance. « Pourquoi se donner du mal puisque nous avons un manager qui a réponse à tout ? »
Illusion N°3 : Les Sauveurs ont du mal à reconnaître qu’ils attirent les Victimes.
Les Sauveurs attirent ceux qui ont, à priori, besoin d’aide. Voici les mots d’une victime qui sonnent comme une belle musique aux oreilles du Sauveur : « j’ai vraiment besoin de ton aide car personne d’autre ne peut résoudre mon problème comme tu sais le faire. » Le Sauveur est inconscient du temps qu’il passe à aller à la recherche des personnes qui ont besoin de lui. Cela explique la raison pour laquelle il y a tant de personnes en difficulté, de Victimes, dans le monde du Sauveur. Les Sauveurs ne perçoivent pas que leur besoin de prendre les autres en charge, de venir en aide et de se sentir utiles entretient la dynamique de victimisation.
Les Sauveurs sont des personnes aidantes et sont souvent perçus comme d’excellents collègues ou des membres de la famille agréables. Leur volonté de participer et d’être utile fait qu’ils sont les premiers à se porter volontaires pour aider.
Ce qui est difficile pour un Sauveur c’est d’apprendre à ne pas insister lorsqu’il propose son aide et d’accepter que les autres peuvent ne pas en avoir besoin. Lorsque qu’un Sauveur est rabroué par une personne qui n’a pas besoin de son aide, il ne comprend pas. Cela peut le conduire à adopter le rôle de Victime face à la personne qu’il perçoit comme un Persécuteur en disant, « avec tout ce que je fais pour vous, voilà comment je suis remercié… »
La relation d’aide avec TED*
Quand vous entretenez des relations vis-à-vis des autres grâce aux comportements de TED* – The Empowerment Dynamic, vous imaginez les autres comme des Créateurs potentiels, plein de ressources, capables et responsables. Cela ne les empêchera pas de vous demander de l’aide le cas échéant. Dans ces conditions, vous apportez de l’aide parce que l’autre vous l’a demandé et non plus parce que vous avez jugé que votre aide était nécessaire pour son bien. Vous devenez co-Créateur, au profit d’un résultat souhaité.
En tant que co-Créateur, vous acceptez de laisser les autres choisir leur réponse face aux défis ou aux difficultés du quotidien. Nous savons tous que la vie est parsemée de faux pas ou d’erreurs. Accepter que les autres apprendront de leurs erreurs et que le monde va pas s’arrêter si vous ne les sauvez pas est difficile à entendre pour un Sauveur.
Observez-vous si vous adoptez le rôle du Sauveur en regardant si une des trois croyances que nous avons évoquées se manifeste. Si c’est le cas, prenez le temps de noter et de réfléchir à ce que cela signifie et ce que cela implique pour vous et pour ceux que vous « sauvez ».
Apprenez à considérer les autres comme des personnes uniques avec leurs propres ressources. Dites-leur simplement que vous pouvez les aider si besoin et préparez-vous, de temps en temps, à les accompagner en tant que co-Créateur.